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Lors d’une séance de spiritisme technoïde, une comédienne et une musicienne appellent l’esprit de Monique Wittig et c’est une foule d’esprits lesbiens qui viennent se raconter. De cette pluralité de récits, s’élève un « nous » donnant du cœur et de la force. Cette cérémonie- concert converge vers l’ouverture d’un dancefloor auquel le public est convié afin de célébrer le corps lesbien dans toute sa pluralité.

Durée approximative : environ 1h sans entracte
(+ temps du dancefloor)
Âge : dès 12 ans

REPRÉSENTATIONS À VENIR

2024

Samedi 20 avril 2024
Un « genre » de festival, à Gindou.

Vendredi 16 février 2024
à 19h30 à La Maison du Théâtre à Brest.
Samedi 17 février 2024
à 21h à La Maison du Théâtre à Brest.

Janvier 2024
soirée organisée pour les étudiant·e·s de L’ENIB (en cours de discussion).

NOTE D’INTENTION

 

En 2019, j’ai commencé à travailler sur Le Corps lesbien long et magnifique poème de Monique Wittig. Je souhaitais en faire un concert poétique et jouissif orchestré comme une célébration païenne et contemporaine de l’amour lesbien. En mars 2020, j’ai rencontré Maclarnaque, musicienne, DJ, beatmaker avec qui nous avons commencé à travailler par correspondance pendant le premier confinement puis lors de deux résidences de recherches en août et novembre 2020. Nous avons mené en parallèle une vraie bataille pour obtenir les droits de ce texte qui nous ont finalement été refusé le 2 décembre 2020. A l’heure où nous commencions à trouver des partenaires, après un an de travail et deux résidences de recherches, nous ne pouvions nous résoudre à enterrer notre projet. Convaincues que ce que nous voulions porter à la scène était important, que nous n’avions pas autre chose à dire à ce moment-là et que nous ne voulions pas nous lancer dans d’autres projets par défaut, nous étions déterminées à poursuivre ce travail entamé avec enthousiasme ! Ainsi, nous nous sommes remobilisées autour d’une nouvelle forme, nommée Monique, es-tu là ? en hommage à Monique Wittig guide spirituelle de cette création. Monique, es-tu là ? est un temps rituel, jouissif et musical qui se met en place autour d’un chapelet de récits de vie d’une foule de personnages, toutes lesbiennes et dont les voix sont portées par une comédienne et une musicienne.
C’est la joie qui est le point de départ de ce projet. Depuis les premières ébauches, je veux que ce spectacle soit une fête. Comment crée-t-on du rituel aujourd’hui ? Quels sont les lieux actuels du sacré, de la spiritualité qui échapperaient à la sclérose de nos héritages hétéro-patriarcaux ? Née dans les années 80, j’ai grandi au cœur d’une société qui évoque nos vies (quand quelqu’un choisit d’en parler) dans des fictions majoritairement tragiques. Je n’ai pas eu de modèle positif dans mon enfance, voire pas eu de modèle du tout. J’ai beau fouiller, je me souviens seulement de Gérard dans Les Filles d’à côté, caricature ridicule de la grande folle au QI de coquillette qui distribuait ses serviettes aux client×e×s de la salle de sport et déclenchait les rires en boîte rien qu’en entrant dans une pièce. Je me souviens de Kerry Weaver la lesbienne boiteuse de la série Urgences. Je me souviens de Catherine Lara, mais Catherine Lara… je m’en fichais complètement ! Je me souviens de la chanson de Lara Fabian « La différence », si condescendante du haut de sa « normalité ». Et je me souviens de mon choc à 20 ans, en découvrant dans la série The L Word : des filles belles, riches, drôles avec des super métiers sortir, coucher, construire des relations avec d’autres filles belles, riches, drôles avec des super métiers. C’est tout un monde qui s’est ouvert soudain ! Mais mon adolescence était déjà derrière moi. Aujourd’hui, l’autodétermination est une notion qui prend de l’importance et je vois des collégien×ne×s qui se disent non binaires, trans, lesbiennes, gay, bi… et qui vivent leurs premières expériences en plein jour, en toute conscience et sans aucun sentiment de honte ni d’anormalité. Je ne peux pas m’empêcher de les envier ! Mon parcours aurait-il été différent si à 8, 10 ou 15 ans, j’avais pu expérimenter l’amour et le flirt ouvertement avec d’autres filles ? Le champ des possibles s’est ouvert mais il n’en reste pas moins que la population LGBTQI+ continue de se faire rejeter, agresser et de se suicider aujourd’hui enNFrance où leurs droits sont toujours en train d’être débattus. Je ne parle même pas des pays dans lesquels ces personnes sont pourchassées, enfermées, exécutées…

Monique, es-tu là ? questionne et fait entendre la diversité de nos parcours lesbiens. Je veux donner à entendre quelles sont les joies et les souffrances qui nous rassemblent et par le biais de ce sacre qui s’organise, offrir nos énergies positives et lumineuses comme une conjuration des destins de nos sœurs sacrifiées. Je veux rendre hommage à celles qui nous ont précédées, qui nous ont ouverts des chemins et ont contribué à l’élaboration d’une pensée lesbienne.
Nous invoquerons Wittig ainsi que d’autres lesbiennes importantes à nos yeux et ferons de ce moment une fête ! Toutes les étapes de cette cérémonie convergeront vers l’avènement d’un dancefloor final – manière intemporelle et païenne de communier – auquel le public sera convié.

TEASER

DISTRIBUTION

Écriture et conception et jeu : Jessica Roumeur
Composition et interprétation musicale : Maclarnaque
Collaboration à la mise en scène : Delphine Battour
Scénographie : Camille Riquier
Création lumière : Mari Giraudet
Régie son : Adeline Mazaud
Costumes : Youna Vignault
Chercheuse associée : Christèle Fraïssé
Administration : Madenn Preti

Production : Compagnie La Divine Bouchère / Coproduction : Itinéraires d’artiste(s) 2021 – Coopération Nantes-Rennes-Brest-Rouen / Subventions : Ville de Brest / Conseil régional de Bretagne – Appel à projet « Recherche et société » 2021 / DRAC de Bretagne dans le cadre du Plan de Relance 2021 / Soutiens financiers : Au Bout du Plongeoir, LIG (Lesbiennes d’Intérêt Général) / Accueil en résidence : La Chapelle Dérézo à Brest, La Maison du Théâtre à Brest, Au Bout du Plongeoir à Thorigné-Fouillard, Les Fabriques à Nantes, Le Théâtre de Poche à Hédé, l’Arthémuse à Briec, Chapêlmêle à Alençon.

 

Monique, es-tu là ? — Extrait

« Nous sommes un chant
Antique, contemporain, futuriste.
Nos voix sont multiples,
Elles drainent dans leurs vocalises
La fusion d’univers, de tessitures et de
tonalités
A priori incompatibles, hérétiques.
Ce chant comble les failles de celleux
qui se sentent abandonnées.
De celleux qui n’ont pas de recours
extérieurs,
De celleux qui voient en elleux
l’aberration.
Nous sommes les pensées de fuite
des assignées-filles de bonnes
familles. Les dimanches midi, assises
entre tonton et papi, entre fromage et
dessert, elles se laissent bercer par
notre chant qui serpente le long de
leurs rêves de volupté.
Cet accord harmonieusement
dissonant, que seules quelques
oreilles peuvent entendre, est une
étreinte de tous nos corps.
Ce chant est une promesse qui ne
s’éteindra jamais. »

UNE COLLECTE D’ENTRETIENS

 

 

RECHERCHE ET CRÉATION

 

Pour nourrir le fond de l’écriture de ce spectacle, je réalise depuis janvier 2021 une collecte d’entretiens auprès d’une trentaine de femmes lesbiennes de tous âges et de tous horizons dont l’axe thématique est la jeunesse lesbienne. C’est un projet que je mène avec une enseignante chercheuse en psychologie sociale, Christèle Fraïssé. Maîtresse de conférence à l’Université de Bretagne Occidentale, ses travaux de recherche s’inscrivent dans le champ théorique des représentations sociales et sont principalement centrés autour des sexualités et du genre et plus particulièrement autour des problématiques de représentation sociale des personnes LGBTQI+.
En collectant ces récits de vie, par le biais du spectacle et du projet de recherche, nous souhaitons contribuer à la visibilisation des parcours de vie lesbienne, à la diffusion de modèles et représentations positives ainsi qu’à l’établissement d’une mémoire collective lesbienne, catégorie de population encore invisibilisée, stigmatisée et dévalorisée. Ces entretiens visent à explorer la façon de se construire comme lesbienne au travers de récits de jeunesses et constituent un socle commun à nos travaux artistique et scientifique respectifs. Ainsi, nous avons bâti une grille d’entretiens que nous menons ensemble et le travail d’analyse comme le travail de création seront réalisés systématiquement sous notre double regard. De la sorte, nous voulons inventer des passerelles entre nos deux disciplines et enrichir les travaux de chacune par l’approche et le regard de l’autre. Ces entretiens anonymes menés auprès de lesbiennes de la manière la plus large possible seront scrupuleusement retranscrits et nous serviront à chacune dans nos disciplines respectives. De cette collaboration naîtra aussi un écrit à deux voix.

Monique, es-tu là ? — Extraits

JACQUELINE : Je suis JACQUELINE. 1959. J’ai quatorze ans. Je traverse la grand’ route à quelques rues du collège sans rien regarder autour, le visage inondé de larmes. Les voitures pourraient bien m’écraser, de toute façon j’en ai plus rien à faire. Plus rien d’autre ne compte que cette dispute avec MIREILLE. Mon cœur est en bouillie, MIREILLE, en bouillie…
MIREILLE : Je suis MIREILLE. Février 1959. J’ai quatorze ans. Je rentre dans ma chambre à l’internat et déchire en morceaux de plus en plus petits la dernière lettre de JACQUELINE. Je ne lui parlerai plus jamais…
FRANÇOISE : Je suis FRANÇOISE. 1963. Douze ans. Je suis assis·e à gauche, dans le fond de la classe au collège pour filles de Nevers. Nous sommes 35 ou 40 élèves bien aligné·e·s. Depuis ma place, je la contemple. Deuxième chaise sur ma droite, une rangée devant moi. Elle ressemble à Modigliani… Un visage un peu… dissymétrique au bout d’un long cou… Vraiment elle a une tête de Modigliani ! Je ne peux pas ne pas la regarder. Mes yeux sont attirés de manière irrésistible. Je ne connais personne qui soit aussi belle… Je sais bien que je la gêne énormément. Et je continue de la regarder… je ne peux pas faire autrement…
ZORA, DENISE, MORGANE et CLEMENTINE : Nous sommes ZORA, DENISE, MORGANE ET CLÉMENTINE, affublé·es de robes mal seyantes, déguisé·es chaque jour par nos parents pour aller à l’école, pour aller au piano, pour aller à la danse, pour aller au centre aéré le mercredi et le dimanche à la messe puis chez mamie. Nous sommes empêché·es de courir vite avec nos chaussures vernies et nos collants qui tombent, nos chemisiers qui tournent, nos grands cols brodés trop serrés, nos pulls couleur filles qui grattent, nos serre-têtes qui font mal derrière les oreilles et nos chignons qui tirent sur le crâne.
NADIA : Je suis NADIA en août 95. J’ai onze ans. Je m’apprête à faire ma rentrée en sixième. Depuis mon lit, je contemple mon nouveau cartable posé bien précautionneusement, bien en vue en face de moi, comme une promesse. Je ne le quitte pas des yeux. Ce cartable, il me promet des histoires de grandes, des histoires d’amour comme dans Hélène et les garçons. Je suis persuadé.e que j’aurai un amoureux. Puisque je rentre au collège… C’est forcément là que tout commence… L’amour et tout… Un débordement sensuel m’envahit à la vue de ce cartable.
FANG : Je suis FANG, neuf ans, juin 1987, c’est la kermesse. Figé·e sur cette chaise bien trop petite pour moi, j’ai le visage tendu vers PATTY, une grande du collège. Elle fait glisser soigneusement son pinceau sur mon visage et le sien est si proche… Lorsqu’elle se concentre sur les zones délicates, là où il faut de la précision, là où parfois, elle me maquille avec ses doigts, elle se rapproche encore et son souffle se dépose sur ma joue. Je choisis toujours le maquillage le plus complexe, le plus couvrant, le plus long à reproduire. Je garde les yeux ouverts. Et tandis qu’elle entame le contour des yeux, elle penche la tête et sourit à mon visage offert. Je suis un peu gêné·e. Elle rit. Et puis elle dit : « Ferme tes yeux joli tigre. » Les yeux fermés, mon trouble se décuple. Ça picote à la racine des cheveux et sur les avant-bras, ça remue dans le ventre, ça fait chaud dans les joues et puis dans la culotte aussi… Je voudrais que cet instant ne meure jamais…
LES ASSIGNE.ES  FILLES DES COURS D’ECOLE : Nous sommes toutes les assignées-filles des cours d’écoles qui ne pensent pas à d’autres possibilités que d’avoir un amoureux. Nous rêvons en secret d’être Fabien parce que Fabien, lui au moins, il a le droit d’embrasser ZOÉ. Embrasser ZOÉ…
DANAE, LEONOR, MARGAUX, SAM, MALIKA, ETC. : Nous sommes DANAÉ, LÉONOR, MARGAUX, SAM, MALIKA et puis les autres. Nous avons muré nos émois dans le silence, sans mots pour les dire, la honte de nous plantée aux entrailles.